Spotify tue les musiciens ! Bon, bon, c’est pas un peu poussé à outrance comme affirmation ? Disons que si je voulais utiliser un langage moins exagéré, « siphonner » aurait été un terme plus exact. Siphonner de manière légale et banale, je précise.
Spoiler alert
Si la seule chose qui vous intéresse c’est de savoir quel service de streaming à la demande est plus respectueux envers les artistes que Spotify, je vais vous faire gagner du temps et répondre tout de suite : il n’y en a pas ! Pas au moment où je rédige cet article en tout cas. J’ai toutefois espoir que ce constat change dans les années futures…
Aussi, gardez en tête que cet article a été rédigé en Novembre 2024. Comme l’industrie de la musique et Internet sont des choses en perpétuelle évolution, il est possible – mais peu probable – que certaines informations qui s’y trouvent évoluent à l’avenir.
Avant Spotify.
Blogspot, Hadopi, 320kbps, la Quadrature du Net (qui existe encore par ailleurs)… Ca vous parle ? Si la réponse est oui, c’est que vous avez connu l’internet d’avant. Félicitations, vous êtes vieux ! Et on se rappellera aussi du débat houleux qu’ont provoqué tour à tour les lois Dadvsi, Hadopi et Loppsi. Si ça ne vous parle pas, replaçons le contexte. Une certaine Christine Albanel trouvait cela honteux que des internautes s’accaparent le travail des musiciens en téléchargeant illégalement leurs albums au format mp3 sur internet.
Pourquoi ça a fait débat ? Parce que lorsqu’on sait comment fonctionne la très compliquée industrie de la musique, on se demandait qui volait qui dans cette histoire. D’un côté, lorsque vous achetiez un CD, les musiciens ne touchaient qu’une somme d’argent ridicule – et encore aujourd’hui, ce constat est souvent vrai. Lorsque vous les téléchargiez, les musiciens ne touchaient rien du tout. La loi Hadopi prévoyait une coupure pure et simple de l’internet à quiconque était coupable de téléchargement.
Cette loi était complètement ridicule, parce qu’encore à l’époque, n’importe quel pirate était capable de camoufler son adresse IP. Et si la loi voulait nous obliger à installer un mouchard – payant – sur notre PC, il suffisait de l’installer soit sur une machine jamais utilisée, soit dans une machine virtuelle – juste je mentionne l’existence de ces méthodes, mais comme ce n’est pas le sujet, nous ne nous y attarderons pas.
En d’autres termes, ces lois-là, qu’elles soient sujettes à débat ou pas, étaient déjà inutiles dans la mesure où il était très facile de les contourner et de ne pas se faire prendre. C’est à peu près le cas de toutes les lois qui touchent internet par ailleurs.
Mais du coup pourquoi je vous parle de tout ça ? Parce qu’aujourd’hui, le téléchargement illégal, ça n’existe plus vraiment et on n’en parle plus beaucoup. Le débat à été plus ou moins clos avec le principe de service de streaming à la demande, tels que Spotify ou Deezer, qui permettent à n’importe qui d’écouter n’importe quelle musique légalement. Sur le moment, ça a été une révolution ! Et plus personne ne s’enquiquinait à télécharger, ni même à acheter des CDs, soit parce que Spotify proposait une solution très peu onéreuse, soit parce que les CDs c’était encombrant, soit parce que les mp3 ça prenait toute la place sur un PC bas de gamme, et pour tout un tas d’autres raisons.
Après Spotify.
Que les choses soient claires : cet article va parler de comment les services de streaming à la demande siphonnent les musiciens, mais ce n’est pas le seul problème. Ces services de streaming, que ce soit pour des musiques ou pour des films (Netflix !), posent également de très graves problèmes au niveau de l’environnement et ont une très grosse part de responsabilité dans le réchauffement climatique, que vous le vouliez ou non. Beh ouais, lorsque vous regardez un film sur Netflix, ce film n’arrive pas jusqu’à votre écran par l’opération du saint-esprit ! Juste je mentionne ce problème mais je ne m’y attarderai pas.
Les services de streaming à la demande ont donc plus ou moins enterré le problème du téléchargement illégal… Hé bien pas du tout ! Ils ont juste remplacé un problème par un autre problème beaucoup plus grave. Bon, il y a une phrase que je dois placer dans cet article mais je ne sais pas vraiment ou la placer, alors je la place arbitrairement ici : télécharger un album est certes illégal, mais ça reste beaucoup moins grave que d’utiliser Spotify.
Lorsque Spotify s’est démocratisé, l’objectif de l’entreprise Suédoise était de permettre à tout le monde d’avoir accès à toutes les musiques du monde. Même si l’accès à la culture est une intention louable, des questions financières et éthiques se posent néanmoins : qui paye les musiciens dans ce cas-là ?
Fort heureusement, Spotify a pensé a ceci et rémunère bel et bien les musiciens, proportionnellement au nombre d’écoutes de leurs titres. Grossièrement, vous, en tant qu’auditeurs, deux cas de figures se présentent.
Soit vous avez un abonnement gratuit avec de la publicité et les musiciens sont rémunérés avec l’argent généré par la dite publicité.
Soit vous avez un abonnement payant et votre argent est équitablement distribué entre les musiciens que vous avez écouté.
Hé bien pas du tout !
Je vous ai fait baver hein ? Vous avez vraiment cru à ce que j’ai raconté dans les paragraphes précédents ? Certes, il s’agissait de l’intention première de Spotify. Lorsqu’un morceau est écouté sur Spotify pour une durée supérieure à 30 secondes, deux euros sont générés. Sur ces deux euros, il était convenu que l’artiste touche deux centimes. Dit comme ça c’est dérisoire, mais admettons qu’un seul et même morceau soit écouté mille fois, vous générez vingt euros. Si c’est un album de dix pistes et que chaque piste est écoutés mille fois, on passe à 200 euros. C’était la promesse initiale. Et comme je ne retrouve plus la source, il va falloir me croire sur parole.
Mais dans la réalité, c’est bien pire que ça. Où va l’argent alors ? Concrètement – encore une fois, je ne retrouve pas la source, mais je suis musicien et j’ai une bonne mémoire des chiffres -, un euro quarante va au gouvernement. Soixante centimes va au distributeur. L’artiste touche la charité.
C’est quoi un distributeur ?
Ah oui, c’est vrai que j’aurais du commencer par là. Concrètement, sachez que même si vous êtes musicien, poster sur Spotify ne se fait pas comme ça. Ce n’est pas quelque chose comme YouTube ou vous postez comme bon vous semble. Ce sont les distributeurs qui se chargent de ceci. Concrètement, lorsque vous avez un album prêt à être sorti, il faut le distribuer. Cela se fait par le biais de différents prestataires. TuneCore et iMusician sont les plus connus, mais il y en a d’autres tels que DistroKid.
Comment ça fonctionne ? En fait, vous créez un compte sur un de ces services et vous soumettez un album pour qu’ils le publient à votre place. D’abord, c’est un service payant. Ensuite, il faut que votre album passe des tests de qualité. Si les tests sont concluants, vous pouvez poster l’album sur différents sites de services à la demande. A partir de là, un délai de plusieurs jours s’impose avant que votre album soit visible.
Ne soyez pas naïfs !
Cela signifie que si les promesses de Spotify étaient, il faut l’avouer, alléchantes, ce ne reste que des promesses qui n’engagent que ceux qui y croient. En moyenne, l’artiste touche la moitié d’un centime par écoute. De plus, des informations circulent actuellement comme quoi Spotify, au lieu d’investir dans des méthodes qui permettent de rémunérer les artistes équitablement, investit dans des méthodes qui permet de les rémunérer de moins en moins.
Que ces informations soient vraies ou fausses, le constat est le même : créer de la musique, c’est long, c’est chiant, ça demande beaucoup de temps, de travail, même si vous êtes passionné. Au final, c’est alarmant de voir tant de musiciens montrer ce qu’ils ont dans les tripes se faire siphonner de manière légale. Et le plus dramatique, c’est que tout le monde s’en fout.
Si vous voulez faire une bonne action, désactivez votre compte Spotify et réécoutez la musique comme on le faisait autrefois : avec des CDs, ou en téléchargement – légal ou pas, là n’est pas le débat. Ce que je trouve malsain avec Spotify, c’est que quand bien même le système de paiement serait éthique, il pousse à la surconsommation. Vous avez l’impression d’avoir accès à tout mais en réalité, vous ne possédez rien. Et comme c’est un service internet, qui vous dit qu’il sera prospère et éternel ? J’en veux pour preuve la censure massive de groupes de Punk français au moment des élections présidentielles de 2022 – comme par hasard!
Musiciens !
Si le téléchargement illégal a gagné en popularité, il existait et il existe encore un moyen de récompenser ceux qui achètent les CDs. Le fameux livret ! Et si c’est sur BandCamp que vous postez, n’hésitez pas à accorder une plus-value à ceux qui vous soutiennent.
Alternatives
Il n’y en a pas ! Hé bien oui, vous ne pensez pas qu’on soutient les artistes en parlant d’eux. Le meilleur moyen de nous soutenir, c’est d’aller nous voir en concert. Autrement, les services de streaming à la demande sont, pour l’heure en tout cas, du vol légalisé. Sinon, vous pouvez acheter les albums, au format matérialisé en magasin, ou en dématérialisé sur des services tels que BandCamp.
Quid de SoundCloud ?
Honnêtement, SoundCloud est un site avec lequel j’ai énormément de mal. Ceci est bien entendu un message subjectif. D’abord parce que cette plateforme est visiblement très mal modérée, vu le nombre de bots et de tentatives d’arnaques qui y circulent.
Ensuite, SoundCloud est une plateforme où les artistes sont, par défaut, limités à trois heures d’audio en tout, limite qui peut être repoussée avec un abonnement premium. Mais le véritable problème pour le coup est ailleurs. Concrètement, n’importe qui peut poster n’importe quoi, il n’y a aucun contrôle, aucune vérification, ce qui donne souvent lieu à des débordements, à des morceaux pas qualitatifs du tout. Au final, ce site est à mon sens devenu une déchêterie.
Pas d’espoir ?
Pour tout vous dire, j’en sais rien. J’aimerais vous dire que le streaming musical va changer dans le futur, j’aimerais vraiment, malheureusement, je ne pense pas que ce jour soit prêt d’arriver. Il y a bel et bien eu des starts-up qui ont essayé de proposer des alternatives louables et éthiques, mais celles-ci se sont cassées les dents les unes après les autres. L’industrie de la musique…
Hefka le NekoPunk
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